Arno, le Magnifique

Publié le par Jacques Charlier

 

 


 


ARNO LE MAGNIFIQUE


Au risque de décevoir certains, j'aimerais en finir avec un vieux cliché, un poncif de classification, hélas persistant. J'estime qu'Arno n'est pas un chanteur. Pas plus d'ailleurs qu'un rockeur, un acteur, un performeur, un coiffeur ou une vedette du show-biz.

"Madame, Mesdemoiselles, Monsieur", Arno est bien plus que cela. Il ne se rattache pas à une quelconque généalogie Ferré-Brelo-Gainsbourienne, il est hors catégorie, une rupture, un trou d'air, un accident de parcours. Les plateaux télés ont bien dû constater qu'ils avaient à faire à un ovni, aux réactions imprévisibles.

Il entre en scène comme au bistrot du coin. Après avoir lâché quelques vannes, histoire de prendre possession de l'espace, il laisse alors la basse pénétrer les amplis pourris et le creux de nos estomacs.

Son batteur "bien propre sur lui" se met à fracasser des vitres. Son pianiste accordéoniste devient un orchestre à lui tout seul et sa guitare solo plaque des accords garantis seventies. Survient alors le son d'une voix rauque, difforme, grinçante, mugissante, comme une vague raclant les brises lames. Autour des mots, le corps d'Arno s'agite, se déglingue, se désarticule sans failles, emporté par le tempo. Il rentre en lui-même, envahit par la solitude, la rage, la tendresse. Malgré nos résistances, ses émotions deviennent nôtres et il nous embarque toutes voiles dehors pour une traversée houleuse. De temps à autre, le vent tombe, c'est l'embellie, le côté fleur bleue rempli d'amour et de délicatesse. Sa mémoire, comme une éponge sensible qu'on presse, nous restitue la sueur du rock, la froideur du zinc des petits matins glauques, les flonflons des kermesses de village, la pluie sur Molenbeek, le brouillard sur la gare du Midi, la porte fermée de l'Archiduc, l'amour des femmes, l'odeur des corps. C'est la mascarade du monde d'Ensor, avec le temps qui nous englouti au rythme inexorable des cymbales. Tour à tour mélancolique, triste, héroïque et joyeux, il dévoile sans pudeur, la fragilité de nos âmes désenchantées. Après la tempête, il sort des coulisses et nous revient calme, comme indifférent à ce qui s'est passé. En fait, c'est à nous maintenant à subir les séquelles de ce qu'il nous a transmis dans les jours qui suivent. Le monde est subitement devenu meilleur et notre cœur s'est curieusement réchauffé en douceur et en profondeur. Potferdome ! C'est pas çà la poésie ?

Liberté, égalité, fraternité, moules frites ?
et ton prochain disque! 

Salut Arno ! On t'aime. Vive l'art, la Belgique et rendez-vous un jour à l'Olympia !


Jacques Charlier,2004.

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E
<br /> Arno, ON T'AIME!! continue de nous "déranger" et de nous enchanter<br /> <br /> <br />
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