NOYADE.

Publié le par Jacques Charlier

Hier soir, aux alentours de dix heures, nous aboutissons à une énorme place vide et  peu éclairée: Campo Santa Maria Formosa. Soudain un plouf, un cri terrible suivi d'un craquement de planches du coté du canal. Quelqu'un est tombé à l'eau et en arrivant rapidement sur place, on aperçoit deux gondoliers maintenant par les bras un corps coincé sous la trappe d'un  ponton d'accès. En leur prêtant main forte, on réalise que c'est une femme en proie à une  violente crise d 'épilepsie. Lorsque la tête apparaît hors de l'eau, le visage est livide, les yeux sont révulsés et de la bave mousseuse coule le long des  lèvres. On tire de tous le côtés, mais à grand peine, car le corps se cabre, replonge et gigote sans arrêt. Les membres sont tellement glissants que sans cesse ils nous échappent des mains. C'est à quatre qu'on parvient enfin , à l'extirper de ce  maudit piège. Couchée sur le dos en haut des marches, elle reste  figée, ne respire plus et son pouls bat la chamade. Un des gondoliers lui administre des claques, rien n'y fait.

En lui maintenant la tête, on la caresse en lui parlant doucement. Autour de nous quelques curieux désemparés s'affolent et se sont enfin décidé à appeler du secours. Après quelques minutes d'angoisse générale, elle commence à tressaillir. Peu à peu ses yeux s'entrouvrent et elle semble nous entendre. Elle est trempée jusqu'aux os de la tête aux pieds. On recouvre ses pauvres jambes pendant qu'un  gondolier vide l'eau de son sac et que tombent sur les dalles ses objets personnels. Elle nous fixe intensément et brusquement  sourit en prononçant quelques mots. La bonne humeur revient car elle l'a échappé belle. En reprenant peu à peu ses esprits. elle nous remercie en balbutiant et on la quitte, rassurés sur son état. Elle habite le quartier et s'appelle Valentina. Un pont plus loin dans la pénombre, un taxi d'urgence avec un équipage de six infirmiers la cherchent et on leur indique l'endroit.

Conclusion, à Venise quand on boit la tasse, çà risque d'être pour de bon.

 

                                                                                           Jacques Charlier/Report.

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Y
C'est ce que j'ai toujours dit : l'eau, c'est dangereux sauf ... dans le pastis!
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C
Grand geste humanitaire! (En somme)Une miraculée...<br /> En fin de comptes:Nous ne sommes rien...
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