LIBERER VENISE

Publié le par Jacques Charlier

LIBERER VENISE

Tout art est érotique.

Adolphe Loos. 1908

      Tant du côté de la direction de la Biennale que de l'Administration de la ville, la censure des 100 sexes d'artistes va rapidement constituer un furieux cas d'école. Si la ville juge que ces inoffensives caricatures constituent une atteinte grave à la pudeur, et qu'elle tolère des oeuvres répréhensibles à l'intérieur de la biennale, c'est qu'elle considère qu'il existe bien deux catégories de citoyens.

 

       La première, directement concernée par l'art, à qui il est permis sans danger,  d'être en contact avec des oeuvres que la morale réprouve dans l'espace  public. La seconde, incapable de discernement culturel, allergique à toute allusion humoristique et sexuelle, qu'il faut à tout prix protéger de visions impudiques.

 

      Dans un cadre historique exceptionnel où on n'hésite pas à revêtir les façades du palais des doges de publicités géantes au goût plus que douteux, voilà qui pose un certain nombre de questions. La cité chère à Philippe Sollers, hantée par les fantômes de Baffo et de Casanova, est  donc en voie de talibanisation hypocrite.

 

      Faut il d'ailleurs s'étonner, que pour la première fois, le Vatican aura son pavillon officiel? Un certain Mgr. Gianfranco Ravasi va y tenter d'instaurer un dialogue entre l'art et l'Eglise. On y prévoit une installation sur le thème du lavement des pieds, avec projection holographique de Benoît XVI. 1)  Tout un programme...

 

      On commence à mieux comprendre le slogan: la vision de l'artiste doit être le centre, selon Birnbaum. Le minestrone  servit à la louche par les gentils organisateurs ne risque pas d'être tiède. Sous anesthésie d'une très sainte communion culturelle,  on se laissera bercer  dans une joyeuse bousculade, d'où seront exclus les béotiens ne possédant pas le mot de passe de la post avant-garde institutionnelle.

 

     L'espace sacré de l'art va donc faire place au sacré tout court, parsemé d'installations souffreteuses et misérabilistes habituelles où s'inscrit la douleur du monde qui ravit les bobos. Après les poignées de mains, les gueules de bois post vernissages, notre seul espoir d'encore croire à Venise sera d'aller nous étaler sur le sol de la Scuola Grande dei Carmini. Les anges et les vierges érotiques du génial Tiepolo, heureusement nous consoleront de la vaine prétention du monde. Une prétention qui s'évertue à confiner l'art dans la frime puritaine, et  la spéculation peopelisée. Plus que jamais, la biennale sera mise à nu par ses célibataires même. Mais qu'on se rassure, il n'y aura pas de passage à l'acte.

                                                                                                                          

Jacques Charlier

 

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